Peintres voyageurs

Sur le thème du voyage et de la peinture orientaliste, on consultera avec profit les deux ouvrages de Lynne Thornton
- "Les orientalistes, peintres voyageurs", ACR éditions, 1983/2001
- "Du Maroc aux Indes, voyage en Orient", ACR éditions, 1998

liane

 

A la fin du XVIII° siècle et au début du XIX° siècle de plus en plus d'artistes surtout de France et d'Angleterre voyagent à travers l'Orient où la présence coloniale ou commerciale de leur pays s'impose. Pour les autres pays, privés de ces relations particulières, l'Orient est encore très loin. Ces artistes voyagent souvent à la faveur d'une mission scientifique, militaire, commerciale ou diplomatique.

Un voyage éprouvant

Les conditions de voyage à cette époque sont difficiles voire périlleuses et relèvent souvent de l'expédition aventureuse, ce qui ne fait qu'exciter la curiosité de ces artistes. On peut citer ici le cas de Eugène Flandin envoyé en mission en Perse et qui y restera quatre années, pratiquement abandonné par le chef de la mission diplomatique. Au cours de ces quatre années il dessine, visite, cartographie, noue des relations importantes mais doit fuir au moment de la mort du Shah, sa sécurité n'étant plus assurée. Il fallait donc une bonne dose d'esprit d'aventure et d'adaptation aux conditions d'un tel voyage. Le voyageur occidental n'était certainement pas habitué à dormir dans un caravansérail, au confort spartiate, avec les chameaux et les chameliers, et encore moins à la belle étoile dans le désert. A cela s'ajoutent les risques de maladies exotiques mais aussi du brigandage. Dès les Balkans, les routes n'étaient plus sures.

A partir des années 1840 environ, les conditions deviennent meilleures et on peut même voir apparaître un embryon de tourisme organisé. Aux caravansérails succèdent les hôtels, et aux caravanes, les voyages organisés depuis l'Europe.

Inspiration

On peut difficilement dissocier l'orientalisme du voyage : est véritablement peintre orientaliste celui qui voyage. Mais en réalite, nombre de peintres orientalistes n'ont voyagé qu'autour de leur chevalet. C'est le cas par exemple de Antoine-Jean Gros, célèbre pour son « Bonaparte et les pestiférés de Jaffa ». D'autres s'inspirent des récits de voyages que d'autres ont fait. Ils s'aident aussi des objets ramenés par ces voyageurs, et même des premières photographies. Pour beaucoup de peintres espagnols, L'Andalousie et ses vestiges de la civilisation nazarie sont une source inépuisable et suffisante d'inspiration.

Mais la plupart des peintres orientalistes ont effectivement voyagé en Orient. Pour certains, un seul séjour suffira pour les marquer et les inspirer longuement dans leur production artistique. Ainsi Delacroix, fait un unique voyage au Maroc et à Alger en 1832, accompagnant le comte de Mornay, envoyé spécial de Louis-Philippe auprès du sultan Moulay Abd-el-Rahman. Il en ramène des livrets de croquis et d'aquarelles qu'il exploitera longtemps. De même, Decamps et Chassériau ne firent qu'un voyage, le premier en 1827 pour la Grèce puis l'Asie mineure, le second en 1846 à Constantine, invité par le calife Ali Ben Ahmed, puis à Alger.

Conditions de travail des artistes

La plupart des peintres furent vite pris par le démon du voyage. Ils accumulèrent les séjours, entreprirent de véritables expéditions. Très vite, certaines villes furent très accueillantes pour ces artistes : le Caire possédait même des ateliers et les voyages s'organisaient facilement à partir d'Alger, d'Alexandrie ou de Constantinople. L'artiste réalise alors des croquis ou des aquarelles ( surtout pour les anglais et les italiens ) pendant son expédition et exécute les travaux définitifs à son retour de voyage en atelier. Certains utilisent même la toute nouvelle technique de la photographie à la place des traditionnels croquis ( Horace Vernet réalise des daguerréotypes dès 1839 ) pour les plus réalistes d'entre eux. Les artistes, pour améliorer encore la qualité de leur travail en atelier collectionnent les objets et costumes locaux qui leur serviront à peaufiner les détails de leurs oeuvres.

Le travail sur place pose quelques problèmes au début du XIX° siècle. En effet, bien qu'il ne soit pas difficile de dessiner des paysages, il est en revanche plus problématique de dessiner des personnages. La religion musulmane interdisant la représentation des personnes, faire des croquis d'un musulman sans sa permission pouvait se révéler dangereux. Les artistes réalisent ces croquis souvent en cachette. Quelquefois, comme Delacroix et bien d'autres, ils utilisent des modèles juifs, en nombre important dans le Maghreb.

On peut citer le cas extrème de Gustave Guillaumet qui alla jusqu'à partager la vie des populations pauvres du désert pendant plusieurs années afin de restituer au mieux les scènes de leur vie. D'autres artistes s'installent définitivement en Orient, surtout au tournant du XX° siècle : C'est le cas de Jacques Majorelle. Etienne Dinet va jusqu'à se convertir à l'Islam.

liane


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